Concours 2010 Les Lecteurs écrivent aussi...

LES RÉSULTATS DU CONCOURS :

Pour le concours les lauréats ont été récompensé lors de la soirée d'ouverture du Salon du Livre
au Théâtre de La Presle. Voici leur texte :


1er prix Lauréat Junior
Chloé Frasseto, 11 ans
Pour la bibliothèque/CDI du collège Les Maristes de Bourg de Péage.

J’ai  10 ans
Et alors, qu’est ce que je fais maintenant ?
D’ailleurs, maintenant ou dans 10 ans ?
Dans 10 ans ou dans 10x10 ans ?
Alors là, il n’y a qu’un moyen de le découvrir :
Vivre le présent,
Penser a maintenant !
Mais là, mon futur présent,
Je crois que je vais le passer dans mon lit
Alors… BONNE NUIT !


1er prix lauréat adulte
Dix ans pour toute une vie
Claire Gilbert, 27 ans
pour la bibliothèque de Saint-Gervais-Sur-Roubion.

Dix ans moins dix, mon corps est pris de contractions frénétiques. A moins que ce ne soit mon doux cocoon liquide qui ne s’effrite. Neuf mois paisibles, emplis  de nouvelles sensations et je sors dans un monde où il faut tout reconstruire. Rencontrer ma mère aux seins allaitants, mon père au regard inquiétant. Haletant, je me forge des repères, à tâtons, j’ai tout mon temps. Le monde regorge de mystères qui m’attendent.
Dix ans moins cinq, je me cogne aux jambes des adultes. Je cours, je parle, je rigole avec naïveté et insouciance. Je ne manque de rien. L’amour de mes parents me suffit. Puis le père Noel est là si je veux de jolis jouets.
Dix ans pile, je crains l’école et les mauvaises notes. Rien ne me fait plus peur dans le monde que mon père qui me gronde. Je m’invente des histoires de chevaliers sur le sol de ma chambre. Les jouets se font plus rares. Le père Noel n’existe pas. Et papa en a marre, du travail il n’y en a pas!
Dix en plus cinq, mon cœur est partis en vrille. J’aime ma voisine d’HLM, Coraline. Elle a les yeux arc en ciel, des cheveux en soie de Chine. Mais elle n’en saura rien, je suis trop timide, caché derrière mes boutons en grains que je dégoupille. Je n’ai pas d’argent de poche, je me débrouille. J’envoie chier mes parents qui m’embrouillent. Que le monde est chiant !
Dix ans plus dix, le bac en poche je suis parti. Je suis en cité U de la faculté de lettres loin de ma famille. Je ne vois plus le chaos chez moi ni n’entend les plaintes répétitives de mes géniteurs à qui tous les malheurs arrivent. Je m’ouvre sur la lecture et découvre l’immensité des savoirs. La tête dans les livres empruntés aucune autre occupation ne rentre dans mes moyens limités. Si, une seule autre, je chope de temps à autre.
Dix ans plus vingt, j’empile les manuscrits, quand je ne travaille pas à Monoprix. Mon père ne digère pas ma passion pour l’écriture. Il me réclame de l’argent pour se payer des bitures. Quand le ciel est noir je le peints dans mes histoires. Magali m’a quittée pour le responsable du rayon saveurs du terroir. Mes soirs de désespoir je les noie dans l’encre noire.
Dix ans plus vingt cinq, j’ai signé mon premier contrat d’édition. Mes parents ne sont plus là pour voir leur fils vivre de sa passion. J’y ai toujours cru même devant mes plats de pates quotidiens. Je reste immergé dans le fil de mes romans. Ecriture, réécriture, lecture et nourriture, je n’ai plus le temps de rien.
Dix ans plus trente, j’ai deux fils maintenant. Les plus beaux des cadeaux de ma femme Manon. L’appartement inondé de livres reste mon refuge, mon cocon quand je ne rencontre pas mes lecteurs sur les salons. J’apprends la patience et le recul. Ma psychanalyse me ramène à mes parents.
Dix ans fois dix… je suis sourd d’oreille. Je distingue mes petits fils. Ils me prennent tous pour un dingue. Ma condition m’a épargné la maison de retraite, je m’éteins chez moi, dans mon lit, entouré de ma famille et de livres. Je n’ai pas peur, je n’ai pas mal. Plus que je n’aurais pu espérer, je suis satisfait. Je me sens léger. Mon âme peut s’envoler.



PRIX SPÉCIAL DU JURY
Camille EL HOUNIHI-DEHAUDT
14 ans
Pour la Médiathèque Simone De Beauvoir de Romans-sur-Isère

J’ai dix ans ! Ou, plutôt, dix ans et quatre jours. Quatre jours en effet que je pense à  cela, et j’avoue que je ne suis pas peu fière. Même si énormément de livres durent et contemplent le temps durant des années et des années comme la grosse Encyclopedia Universalis qui siège à ma gauche sur notre étagère, je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui finissent, triste destin ; déchirés, brûlés, noyés par le contenu d’une tasse de café maladroite, écartelés… et j’en passe ! Je suis donc assez content d’être encore dans un état convenable, et d’avoir su, par mes histoires fantaisistes et mes contes, rester dans l’estime de ma lectrice, bien que maintenant elle ne me lise plus que très rarement, pour se vider l’esprit…mais c’est déjà ça.
Je me souviens bien de ma première année : d’abord, un bruit infernal, avec des machines d’acier qui tournaient, tournaient, et brassaient des milliards de feuilles de papier…Puis, un voyage somnolent dans une boite de carton, avant enfin de me réveiller, exposé comme maintenant sur une étagère avec d’autres de mes confrères,dans une pièce lumineuse où circulaient toute la journée une foule de personnes bigarrée. Je me souviens aussi de la femme qui s’est approchée de moi, un autre livre à la main. Elle m’a pris et m’a feuilleté ; je lui ai délivré quelques mots, de petites phrases, sans queues ni têtes. Il semblerait que je lui ai tout de même plu, du moins plus que l’autre, puisque ce fut moi qui fus choisis comme cadeau pour les 6 ans d’Aurélie, ma lectrice…Mes premières années auraient facilement donné un arrêt cardiaque à un livre plus sensible que moi, mais j’avoue que la vie trépignante qu’Aurélie me faisait mener me plaisait assez. Elle me lut 30 fois dans le bon sens et 16 fois à l’envers, me trimballa dans son cartable sur au moins 500 000 kilomètres, elle tenta de tourner chacune de mes phrases en vers de poésie, elle coinça ses chaussettes et les plumes du canari de sa grand-mère entre mes pages pour guise de marque-pages…Elle se servit même de moi pour essayer, avec de grands coups, de faire entrer la raison dans la tête de son cadet, qui, enfant incompris et bafoué, se tourna résolument vers sa console de jeu, pour ne jamais plus me jeter un seul regard. Il n’en est maintenant, hélas, plus de même. Il faut dire aussi qu’elle a 16 ans. Je reste rangé avec nostalgie entre une Encyclopédie ronchonne et peu bavarde et un Petit Prince ayant la tête trop haut perchée dans les étoiles pour me faire la conversation. Ma seule occupation de la journée et de commenter avec quelques livres blasés le menu fretin de la journée, et de fixer le poster de Jimmy Hendrix qui nous fait face. Je m’ennuie. Remarque,aujourd’hui, il y eut un peu plus d’action : c’était le 6 anniversaire du second petit frère d’Aurélie, le petit blond qui a la manie amusante de semer des cailloux partout où il va, même à … La porte s’ouvre. Aurélie entre, le blondinet la suit. Elle se dirige vers moi ; je retiens mon souffle. Elle me prend et me tend avec un mélange d’amusement et de dignité au garçon :
_ « Tiens.Lis-le, relis-le…et prends en soin, mais tout de même pas trop. Ne le planques pas dans une vitrine . C’est un livre qui aime bien vivre, il me semble. »
Dès que son regard pétillant croise le mien, j’ai la certitude que ma deuxième décennie se présente sous le meilleur des jours.
 



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